LE GOÛT DE L'IMMORTALITÉ - Catherine DUFOUR

Publié le par Stéphane

2005
Mnémos, Icares SF n°6 (janvier 2008)
Couverture de Philippe CAZA
280 pages


4ème de couverture :

Mandchourie, an 2113.

La ville de Ha Rebin dresse ses tours de huit kilomètres dans un ciel jaune de toxines. Sous ses fondations grouille la multitude des damnés, tout autour s'étendent les plaines défoliées de la Chine.

Le brillant Cmatic est mandaté par une transnationale pour enquêter sur trois nouveaux cas d'une maladie qu'on croyait éradiquée depuis un siècle. Ses recherches le mènent à Ha Rebin, où il rencontre une adolescente étrange. Avec elle, il va tenter de mener à bien sa mission dans un monde qui s'affole : décadence américaine, pandémie sanglante, massacres génétiques, conquêtes planétaires, montée de l'extrémisme vaudou. Et affronter la rêve le plus fou de l'humanité : l'immortalité, ou ce qui y ressemble...

Combien d'entre nous sont vraiment assez sages pour souhaiter échapper à la grande roue ?
La vie est une drogue terrible.

Une « œuvre au noir » futuriste hors normes. Une lecture âpre et lumineuse, par un des meilleurs auteurs de l'imaginaire actuel français.


L'avis :

Catherine Dufour est un auteur français de SF qu'on peut maintenant considérer comme majeur. Or – honte sur moi ! – je n'avais jusqu'à maintenant jamais lu aucun de ses romans. Horreur ! Malheur ! Heureusement, maintenant, cette faute est réparée puisque Le Goût de l'immortalité a rejoint ma bibliothèque.
Ayant reçu nombre de prix (Grand Prix de l'Imaginaire, Grand Prix de la Science-Fiction française, prix Rosny Aîné, prix Bob Morane)[1], Le Goût de l'immortalité est le roman de Catherine Dufour qui a eu le plus de succès, et donc un choix avisé pour découvrir cet auteur.

Mais que raconte donc Le Goût de l'immortalité ?
Le personnage principal du roman est une vieille femme qui raconte son histoire à un correspondant anonyme. C'est un récit aussi étonnant que sa vie que cette multi-centenaire dévoile.
XXIIème siècle. Le monde, effroyablement pollué, est aux mains des nations asiatiques. La population vit dans des cités hérissées de grandes tours sélevant dans un ciel jaune, ou sous terre. Ha Rebin, en Mandchourie, est une de ces villes. C'est là que vit le personnage principal du Goût de l'immortalité et là que se déroule la plus grande partie du roman.
L'action se déroule deux cents ans en arrière. La narratrice n'est alors qu'une enfant. Elle a de graves problèmes de santé et sa mère la fait soigner par Iasmitine, une guérisseuse aux techniques aussi illégales que troublantes. L'héroïne échappe ainsi à la mort, mais le résultat, comme Caza l'a très bien illustré sur la couverture du roman, n'est pas reluisant.
Cmatic, deuxième personnage important du livre, est alors un brillant entomologiste européen. On l'envoie en mission en Polynésie pour enquêter sur les morts de trois victimes d'une forme fulgurante de paludisme, maladie qu'on croyait disparue. Cmatic découvre dans les îles du Pacifique une piste qui l'amène à Ha Rebin. Cette piste, c'est Iasmitine.
D'ooù la rencontre entre lui et la narratrice, puisque tous deux sont en rapport avec la guérisseuse. Ils vont s'associer pour stopper ses activités malsaines...

Le Goût de l'immortalité est un roman atypique. Raconté à la première personne, le récit est empreint d'un ton familier qui fait entrer facilement le lecteur dans l'histoire. Habilement, Catherine Dufour utilise le fait que la narratrice s'adresse à une personne du XXIIème siècle – qui ne connaît pas plus que nous le contexte géopolitique de son histoire – pour décrire l'histoire l'état de la planète de la société humaine sans que cela paraisse sortir de nulle part. De plus, elle le fait rapidement, sans que cela devienne rébarbatif, puis aborde le vif du sujet : la biographie d'une enfant ayant subi un sort tragique et qui fait la rencontre d'un homme étonnant, menant une enquête dans laquelle elle va l'aider.
Raconté comme cela, je ne suis pas sûr que le pitch du Goût de l'immortalité intéresse beaucoup de monde. Pourtant, le récit est vraiment passionnant. Il y a du suspense, des personnages inquiétants, d'autres attachants, des décors étonnants, des interrogations intéressantes sur le sens de la vie... C'est un témoignage fascinant sur un futur tout à fait crédible. La planète a atteint le niveau de pollution auquel on peut s'attendre ; la société humaine n'a plus pour modèle celui d'une Europe que l'Asie a dépassée depuis longtemps ; les technologie décrites, bien qu'au-dessus de celles que nous connaissons, ne sont pas exotiques. Le lecteur n'est pas perdu, une fois plongé dans l'univers du Goût de l'immortalité, mais délicieusement dépaysé.

Bien écrit, véritable récit de science-fiction parfaitement maîtrisé sous tous ses aspects, Le Goût de l'immortalité est un très bon roman à mettre entre toutes les mains.
Quant à moi, je vais m'empresser de découvrir le reste de l'œuvre de Catherine Dufour, en commençant probablement par Outrage et rébellion, son dernier roman, qui se déroule dans le même futur que Le Goût de l'immortalité.


[1] Même si l'accumulation des prix pour un même roman n'est pas pour moi une preuve en soit de qualité.

Publié dans Littératures

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E
Je fais une petite pause dans ma lecture du "goût de l'immortalité", dans une veine tentative de ralentir l'inéluctable.... la dernière page. Je suis littéralement sous le charme. Ce fut d'ailleurs le cas à chacune de mes incursions dans les univers déjantés et grandioses de Catherine. Belle chronique que tu présentes ici et qui rend à mon sens parfaitement hommage à cette oeuvre de choix.
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S
<br /> Et la suite, Outrage et rébellion, est paraît-il aussi très bon...<br /> <br /> <br />
E
Un excellent ouvrage de la Grande Dufour. Tu devrais prendre beaucoup de plaisir à poursuivre la découverte de son paysage littéraire à la Prévert. Si tu en as l'occsion je t'invites à écouter le podcast de la Salle 101 ou elle donne au côté de Jérome Noirez une interview débridée et pleine d'humour. (C'est ici).
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