LES LANGAGES DE PAO - Jack VANCE

1958
Gallimard, Folio SF n°302 (février 2008)
Traduction de Brigitte MARIOT
Couverture de Philippe ROJAS
272 pages
4ème de couverture :
Lorsque son père est assassiné, Béran Panasper, neuf ans, devient le panarque légitime de la planète Pao. Mais Bustamonte l'évince et tente de le tuer. Le garçon ne doit son salut qu'à l'aide de Palafox, seigneur de la planète Frakha. Les motivations de ce dernier ne sont pas désintéressées, mais Béran n'a pas d'autre choix que de suivre l'éducation dispensée sur la planète de son sauveur.
Pendant ce temps, Pao, planète pacifiste, se laisse envahir par un peuple belliqueux, les Brumbos. Seule solution : remodeler les langages de Pao afin de donner à la population paonaise l'élan guerrier nécessaire à sa survie.
Les Languages de Pao est un roman aussi divertissant qu'intelligent. Une preuve supplémentaire du talent incomparable de Jack Vance, un des plus grands maîtres de la science-fiction.
Figure mythique de la science-fiction et de la fantasy, Jack Vance, né en 1916 à San Francisco, a conservé de son expérience dans la marine marchande le goût des voyages au-delà de l'horizon. Il a marqué de son empreinte l'imaginaire de millions de lecteurs, avec Le cycle de Lyonesse, Le cycle de Tschaï ou La geste des Prince-Démons.
L'avis :
Jack Vance est un génie. Je crois que je le dis dans chaque chronique que j'écris sur un de ses livres. Avec Les Langages de Pao, écrit en 1958, on retourne quasiment aux origines de la carrière d'écrivain du célèbre auteur de San Francisco. Et force est de constater que dès ses débuts, Vance faisait preuve d'un talent immense et d'une imagination débordante.
Les Langages de Pao est un roman qui se déroule sur une planète qui, à défaut de dépayser par ses paysages (à l'inverse de la Planète Géante par exemple), le fait par ses habitants. Les Paonais, en effet, constituent une vaste population à la mentalité figée dans une passivité et un pacifisme qui ont pour conséquence de leur faire haïr le changement. Cela se traduit notamment dans la langue qu'ils parlent, qui manque singulièrement de termes pour désigner par exemple « individualité », « intégrité » ou de formes comparatives car les Paonais sont tous pareils. Du moins est-ce l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes.
Malgré tout, les Paonais ont à leur tête le panarque, roi incontesté et incontestable, dont les dynasties se succèdent parfois avec violence. Béran Panasper a neuf ans et est le fils du panarque Aiello. Le roman débute avec l'assassinat de ce dernier, commandité par Bustamonte, son premier conseiller. Béran échappe à un tragique destin grâce au seigneur Palafox de Frakha. Ce dernier l'emmène sur sa planète et l'enfant y apprend les sciences. Il y devient un homme qui n'a qu'une ambition : reconquérir sa place, pour le bien de Pao.
Mais pendant le règne de Bustamonte, Pao est envahie par les Brumbos, clan d'une planète guerrière toute proche. Les Paonais, qui ne savent pas se battre et surtout n'en ont pas l'idée, laissent leurs ennemis s'emparer de leur monde. Mais Bustamonte compte bien se venger. Il fait appel à Palafox pour modifier les langages de Pao et ainsi former des groupes sociaux capables de donner une chance à la planète de faire face à ses ennemis.
Comme ça, Les Langages de Pao ne semble pas casser des briques. Pourtant, l'idée qui sert de fil directeur au roman n'est pas sans intérêt. Je ne suis pas linguiste, mais le postulat de Vance semble crédible ( bien que l'exemple des langages de Pao soit sûrement excessif) : le langage est l'émanation de la pensée de ceux qui la parlent ; si on modifie un langage, on modifie la façon de penser. Vance imagine alors un monde où un plan complexe est mis en place, visant à créer une population de guerriers et de techniciens en faisant apprendre aux nouvelles générations des langues différentes de celle de leurs parents, illustrant des concepts adéquats à la guerre et aux sciences.
Personnellement, je trouve l'idée fascinante, ce qui est déjà une excellente raison de lire Les Langages de Pao. Mais est-ce suffisant ? Non. Il fallait que Vance construise autour de cette théorie une histoire passionnante. Il y arrive dans une certaine mesure, bien qu'on ne puisse honnêtement dire que ce roman soit un des meilleurs Vance.
Le récit se déroule sur plusieurs dizaines d'années. Si les ellipses régulièrement employées par l'auteur permettent de ne pas ennuyer le lecteur, elles tendent à donner à l'histoire une certaine platitude. Il y a peu de rebondissements, pour ne pas dire aucun. Le lecteur absorbe les événements au fur et à mesure qu'ils sont racontés, sans être surpris, sans frémir. Il n'y a quasiment pas d'action, contrairement à nombre d'autres de ses romans qui en sont bourrés (Un monde d'azur, Le Cycle de Tschaï, Les Mondes d'Alastor...). Avec Les Langages de Pao, Vance intéresse, mais n'émerveille pas, comme il a pu le faire plus tard avec Emphyrio (1969).
Conclusion, Les Langages de Pao est un roman de Jack Vance. C'est donc un bon roman. Toutefois, ce n'est clairement pas le meilleur de l'auteur et seuls les amateurs de ce dernier devraient s'y attarder, après avoir lu d'autres œuvres plus renommées, et meilleures.